LE NORD KIVU ATTEND DÉSESPÉRÉMENT LE RÉPIT
Alors qu’un nouvel accord de paix a été atteint, les résidents de la province assiégée du Congo parlent de leurs souffrances.
LE NORD KIVU ATTEND DÉSESPÉRÉMENT LE RÉPIT
Alors qu’un nouvel accord de paix a été atteint, les résidents de la province assiégée du Congo parlent de leurs souffrances.
Ici, ces réfugiés se cramponnent à la vie, dans la peur d’un retour aux champs de la mort qu’ils considéraient autrefois comme leur foyer, certains ayant tellement peur qu’ils en viennent à manger de l’herbe pour survivre.
Les régions de Rutshuru et Masisi de la province du Nord Kivu en République démocratique du Congo sont les plus touchées. Des milliers de femmes y ont été violées et battues et les organisations d’aide affirment que de jeunes hommes sont forcés à prendre les armes pour appuyer les rangs rebelles.
Un homme qui n’a voulu se présenter que sous le nom d’Ignace, parcourait récemment la région de Kingi dans le Nord Kivu, affirmant qu’il avait fui les combats entre la milice redoutée du général tutsi Laurent Nkunda et l’armée gouvernementale en déclin.
Nkunda est à la tête d’une milice de plusieurs milliers de soldats qui prétendent protéger les Congolais tutsis de leurs ennemis ethniques hutus, dont certains ont participé au génocide rwandais de 1994.
Les soldats de Nkunda - qui, avec les Hutus et d’autres milices, se sont battus contre les forces gouvernementales et entre eux - exploitent les civils de la région pour obtenir de la nourriture, du matériel et du sexe.
“J’ai rencontré [des soldats du gouvernement] sur la route,” a raconté Ignace. “Ils m’ont demandé de leur donner mes chèvres, affirmant qu’ils n’avaient rien à manger. Je leur ai dit que [les chèvres] étaient tout ce qui me restait pour assurer la survie de ma famille, mais ils ont menacé de me tuer. Et ensuite ils ont emmené 14 chèvres.”
L’histoire d’Ignace est le type même des dangers auxquels la plupart des gens ont à faire face de manière quotidienne.
Un autre jeune homme âgé de 18 ans, qui souhaitait rester anonyme, a indiqué que sa famille avait été brûlée vive chez elle, alors qu’il s‘occupait du troupeau de chèvres familial.
“Quand je suis rentré chez moi, j’ai croisé des gens en train de fuir. Un voisin m’a dit que ma famille avait été tuée par des hommes en uniformes militaires,” raconte-t-il.
Croyant être le dernier survivant et craignant pour sa vie il s’était enfui.
“Je me suis caché toute la nuit avec nos chèvres et le lendemain matin, je suis allé vérifier l’information,” indique l’homme. “Toute ma famille était morte.”
Dans la région de Rutshuru, des milliers de personnes vivent dans le stade de football local ou dans des écoles et des camps pour personnes déplacées. Mais même là, ils ne sont pas en sécurité.
En novembre dernier, des camps pour réfugiés déplacés internes, situés près de Goma, ont été pillés après que des résidents aient fui les combats entre les rebelles et le gouvernement. Ceux qui essayèrent alors de rentrer chez eux pour s’occuper de leurs champs ou trouver quelque chose à manger ont indiqué à l’IWPR qu’ils avaient été attaqués par les troupes de Nkunda.
Un homme a déclaré qu’il était rentré dans son village pour se faire arrêter par cinq rebelles à un barrage routier. “J’ai couru et ils m’ont jeté des pierres à la tête,” a-t-il indiqué. Il fut ensuite hospitalisé.
Un autre homme, qui n’a voulu se présenter que sous le nom de Félix, a indiqué qu’il avait été frappé par les soldats de Nkunda après avoir refusé de porter leurs bagages.
Félix a indiqué qu’il avait été soigné par Médecins Sans Frontières dans la ville de Minova, à près de 50 kilomètres de Goma, la capitale de la province.
“Je leur ai dit que j’étais malade, mais ils ne m’ont pas cru,” déclare Félix au sujet des rebelles. “Ils m’ont frappé. Quand j’ai essayé d’échapper à mes persécuteurs, l’un d’entre eux m’a donné un coup de lame. J’ai beaucoup saigné et c’est par la grâce de Dieu que je suis arrivé ici, à Minova où j’ai été soigné au centre de santé.”
L’armée est également accusée d’abus généralisés. Un homme, qui a demandé à rester anonyme, a indiqué à l’IWPR qu’il avait été torturé par des membres des services de sécurité du gouvernement, T2, après avoir arrêté alors qu’il buvait de l’alcool.
“Ils m’ont déshabillé, mouillé, battu, et mon dos a été ‘repassé’ avec un fer électrique," a indiqué l’homme. Passer les gens au fer à repasser est une méthode de torture au cours de laquelle un fer chaud est appliqué sur la peau de la personne.
De telles histoires illustrent les horreurs quotidiennes auxquelles ont à faire face les résidents de l’est du Congo, une vaste enveloppe du territoire virtuellement au-delà du contrôle du gouvernement congolais et de l’armée basée à Kinshasa, à des milliers de kilomètres.
Malgré les souffrances, un certain soulagement s’annonce à l’horizon avec l’accord de paix de cette semaine entre le gouvernement et la myriade de milices rivales.
Selon les termes de l’accord, supervisé par les Nations Unies, les États-Unis et l’Union Européenne, les milices seront intégrées dans l’armée congolaise ou dispersées.
Certains arrangements similaires passés auparavant n’ont pas duré en raison de niveaux élevés de méfiance basée sur la haine ethnique.
Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires, OCHA, a entre-temps rapporté que plus de 230 000 personnes ont fui leurs maisons dans le Nord Kivu, portant le nombre de déplacés internes dans la province à 800 000.
Certains suggèrent que les vrais chiffres sont encore plus élevés. Malgré tout, il s’agit du nombre le plus élevé de réfugiés internes au Congo depuis la fin de la guerre civile chaotique et sanglante qui a frappé le pays et s’est terminée en 2003.
John Holmes, le Sous-secrétaire général des Nations Unies pour les affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a indiqué que la situation était “accablante” et il a critiqué les groupes armés qui visent les civils.
Certains travailleurs humanitaires ont également été menacés à Goma.
Un représentant de l’ONG ‘Centre de Recherche sur l'environnement, la démocratie et les droits de l'homme’, CREDDHO, a indiqué qu’il avait peur de rentrer chez lui après qu’il ait dénoncé des abus commis à l’encontre des civils par les militaires congolais.
“Quelques jours après cela, les menaces téléphoniques et les menaces contre ma personne ont commencé,” a indiqué l’homme, qui a refusé de donner son nom.
Des représentants de l’armée et des rebelles ont constamment nié que leurs soldats soient responsables d’abus.
On ne peut pas encore dire si l’accord de paix apporte finalement un soulagement aux habitants torturés de la région.
Charles Ntiryica est journaliste pour l’IWPR à Goma.