Les intermédiaires de la CPI auraient fabriqué des preuves

Deux témoins ont déclaré que les intermédiaires avaient affirmé à tort que certains garçons avaient servi comme enfants soldats.

Les intermédiaires de la CPI auraient fabriqué des preuves

Deux témoins ont déclaré que les intermédiaires avaient affirmé à tort que certains garçons avaient servi comme enfants soldats.

Friday, 12 February, 2010
Cette semaine, lors du procès pour crimes de guerre du chef de guerre présumé Thomas Lubanga, deux témoins de la défense ont accusé les intermédiaires de la Cour pénale internationale, CPI, d’avoir fabriqué des preuves.



Selon les témoins, les intermédiaires ont désignée aux responsables de la CPI de nombreux enfants qui n’avaient jamais servi au sein de l’armée, soutenant que ceux-ci étaient d’anciens enfants soldats.



La Cour, présidée par le juge Adrian Fulford, s’est entendu dire que les intermédiaires de la CPI avaient acheté, menacé ou trompé certains des parents et des tuteurs des jeunes garçons pour qu’ils adhèrent au schéma de fabrication des preuves.



La CPI emploie des intermédiaires – habituellement des personnes qui travaillent pour des ONG locales – afin de récolter des informations pertinentes par rapport aux affaires instruites.



En raison du fait que les deux témoins de la défense ont centré une grande partie de leur témoignage sur les intermédiaires, le juge Fulford a demandé si l’Accusation avait prévu d’appeler ces intermédiaires à la barre pour qu’ils s’expriment sur les allégations de fabrication de preuve.



“Allons-nous les entendre? Et si oui, quand?” a demandé le juge. Il a demandé si l’accusation souhaitait que les juges “rejettent lé témoignage de la Défense sans avoir entendu les personnes qui ont déclaré avoir été achetées, un élément important pour l’argumentation de l’Accusation”.



Joseph Maki, qui a achevé sa déposition au début de la semaine, a indiqué à la Cour que les intermédiaires de la CPI lui avaient donné 200 dollars US comme paiement en échange de ses efforts à persuader son neveu pour que celui-ci fasse un faux témoignage contre Lubanga.



Selon Maki, le garçon avait ensuite témoigné en tant que témoin de l’Accusation et prétendu qu’il avait été un enfant soldat au sein de l’Union des patriotes congolais, UPC, le groupe de milice que Lubanga aurait dirigé selon la CPI.



Maki a déclaré que, en échange des 200 dollars, il avait donné aux agents de la CPI la permission de prendre des radios du garçon pour déterminer son âge. Il a également indiqué qu’il avait du mentir aux employés de la Cour, en soutenant qu’il connaissait Lubanga et qu’il était au courant que l’UPC avait utilisé des enfants soldats.



Catherine Mabille, l’avocate de la Défense a demandé à deux reprises à Maki pourquoi il n’avait pas avoué aux agents de la CPI, qu’il avait rencontrés deux fois, qu’il ne connaissait pas Lubanga et que son neveu n’avait jamais servi dans le moindre groupe armé.



“Je jouais un rôle, répétant ce qui avait été prévu [par les intermédiaires]. C’était une question d’argent. Les blancs ne le savaient pas, mais nous – les noirs – nous le savions. J’ai reçu des instructions sur ce que je devais leur dire,” a-t-il répondu.



Maki a expliqué qu’il avait rencontré les agents de la CPI et leurs intermédiaires à deux reprises, une première fois dans la ville de Beni dans l’est du Congo et une autre fois à Kinshasa, la capitale du pays.



“Il y avait trois blancs, et un noir. La deuxième fois c’était deux blancs et deux noirs,” a-t-il dit.



Plus tard dans la semaine, Claude Nyeki Django, un autre témoin de la Défense, est venu à la barre, expliquant que bien qu’il n’ait jamais appartenu à un groupe armé, aux côtés d’autres garçons, qui avaient déjà combattu, ils avaient été présentés aux gens comme d’anciens enfants soldats.



Le témoin n’a pas donné de détails explicites quant à l’identité de ces personnes.



L’avocat de la Défense Marc Desalliers a demandé au témoin âgé de 20 ans, un habitant de Bunia dans l’est du Congo, si l’intermédiaire qui les avait présentés savait qu’il n’avait jamais été enfant soldat.



“Il le savait très bien,” a répondu Django.



“Pourriez-vous nous dire ce que Dudu (l’intermédiaire) avait dit aux personnes que vous avez rencontrées à Beni par rapport à ce fait?” a demandé Desalliers.



“Dudu n’a pas dit lui-même que je n’avais pas été enfant soldat,” a déclaré Django. “Pourquoi ne l’a-t-il pas fait? Il s’attendait à ce que ce soit moi qui le dise. Il m’a simplement dit ce que je devais dire et m’a dit d’accepter l’idée que j’ai servi comme enfant soldat.”



Django a déclaré qu’il avait voulu dire aux gens présents lors de cette réunion qu’il n’avait jamais été soldat. Mais lorsqu’il avait essayé de parler, l’un des hommes lui avait ordonné de se taire.



Le témoin a déclaré qu’avec d’autres garçons, ils avaient été emmenés à Kinshasa par l’intermédiaire qui leur avait promis une formation professionnelle. Mais selon son récit, ils avaient au lieu de cela été enfermés dans une maison pendant des mois, “Nous dormions toute la journée et la nuit nous dormions aussi …nous étions juste dans cette enceinte, ne nous pouvions même pas nous déplacer.”



Bien que Django n’ait pas bénéficié de mesures de protections telles que le floutage de la voix et du visage, l’essentiel de son témoignage s’est déroulé à huis clos. Il n’a donc pas été possible d’apprendre quel rôle, le cas échéant, il avait joué avec les autres garçons dans le procès de Lubanga.



Lors du contre-interrogatoire par l’Accusation, Django a répété que l’UPC n’avait pas conscrit d’enfants soldats. Il a expliqué que les enfants avaient rejoint le groupe volontairement. La plupart de ceux qui l’avaient fait étaient des enfants des rues, mais des élèves ayant abandonné l’école avaient aussi rejoint le groupe après avoir vu des soldats de leur âge extorquer de l’argent aux civils, comme l’a expliqué Django.



Le Procureur Nicole Samson a mis en doute la crédibilité des deux témoins. Lorsqu’elle lui a demandé comment il savait que l’UPC n’avait enrôlé aucun enfant soldat, Django a répondu qu’il l’avait appris de membres de l’UPC.



Auparavant, Samson avait demandé à Maki pourquoi la Cour devait le croire alors même que, de son propre aveu il avait réclamé de l’argent aux intermédiaires de la CPI sans dire aux agents de la Cour qu’il avait rencontrés au Congo qu’il était impliqué dans un schéma destiné à fabriquer des preuves.



Maki a déclaré qu’il s’était retrouvé sous la pression de ses voisins et de sa famille, et qu’il avait réalisé qu’il avait fait quelque chose de mal.



“Même mes grands frères ont fait pression sur moi … on m’a dit que je vendais des gens, ou que je prenais de l’argent pour trahir les gens,” a-t-il dit.

Maki a déclaré que par la suite, il s’était rendu auprès des chefs du village pour demander pardon. Les chefs l’avaient mis en contact avec le secrétaire général de l’UPC, qui lui avait ensuite conseillé de s’adresser aux avocats de Lubanga.



Samson a demandé au témoin si les responsables de l’UPC lui avaient donné de l’argent pour qu’il aille témoigner comme témoin de la Défense.

“Ils ont formellement refusé,” a-t-il répondu. “Moi-même, j’ai demandé de l’argent et ils ont dit non… Ils ont dit qu’ils n’étaient pas des bandits et qu’ils ne voulaient pas acheter mon témoignage.”



Les mises à jour quotidiennes de l’IWPR sur le procès de Thomas Lubanga sont produites en coopération avec l’Open Society Justice Initiative of the Open Society Institute, OSI. La couverture quotidienne du procès est disponible sur www.lubangatrial.org.
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