Les réfugiés du nord mis sous pression de quitter les camps
Avec la démolition des huttes et la fin des services dans les camps, les réfugiés appréhendent désormais les voyous armés et la temporisation des pourparlers de paix.
Les réfugiés du nord mis sous pression de quitter les camps
Avec la démolition des huttes et la fin des services dans les camps, les réfugiés appréhendent désormais les voyous armés et la temporisation des pourparlers de paix.
Mais Alanyo, 23 ans, craint que, tant que Joseph Kony, chef de l’Armée de résistance du Seigneur, ARS, reste en liberté avec sa force de guérilla dans le parc national éloigné de Garamba, en République démocratique du Congo, RDC, la possibilité que les combats reprennent au nord de l’Ouganda subsiste.
Les pourparlers de paix entre l’ARS et les responsables ougandais ont été suspendus l’année dernière, et devraient reprendre dans les semaines à venir à Juba, Sud Soudan, mais aucune date n’a déterminée.
Tant que Kony n’aura pas signé un accord de paix avec l’Ouganda ou tant qu’il n’aura pas été capturé, Alanyo reste réticente à effectuer plus qu’une visite quotidienne à son village de Loka Akora, où elle s’occupe de son jardin et cultive la nourriture dont elle a besoin pour survivre.
Elle a dit à l’IWPR qu’il n’y avait "aucun avantage” à retourner vivre dans les villages.
“La dernière fois que nous avons reçu de l’aide sous forme de nourriture, c’était en juillet 2007,” a-t-elle dit, contredisant l’accusation faite par certains responsables que les quelques deux millions de réfugiés déplacés internes du nord de l’Ouganda restent dans les 200 camps de réfugiés pour obtenir de la nourriture et des réserves médicales de la part d’agences d’aide.
“Je ne vois aucune raison qui justifierait que nous soyons forcés à quitter le camp," a indiqué Alanyo.
Des responsables ougandais insistent sur le fait que les réfugiés doivent quitter les camps et commencent à démolir leurs huttes faites de boue et de toits de chaume.
Entre-temps, l’approvisionnement en nourriture des camps a été réduite à néant, dans le cadre de la stratégie du gouvernement visant à expulser les réfugiés.
L’IWPR a essayé de parler aux Nations Unies à Kampala et au Programme alimentaire mondial de leur politique sur la distribution d’aide alimentaire pour les réfugiés du nord de l’Ouganda, mais aucun d’entre eux n’était disponible pour des commentaires sur la question.
Cela a été fait à la demande du gouvernement afin de forcer les gens à retourner dans leurs villages, ce qui est la question clef.
"Je veux que les [réfugiés] [nous] disent exactement pourquoi ils sont encore dans les camps à l’heure actuelle," a indiqué Tarsis Kabwegyere, ministre de l’aide humanitaire et des secours en cas de catastrophe, lors d’une récente tournée des camps.
Kabwegyere a exprimé son désaccord face aux locaux qui affirment continuer à avoir des raisons légitimes de se sentir en situation d’insécurité.
"Vous avez un pays très fertile,” a indiqué Kabwegyere aux réfugiés. “C’est mieux que vous retourniez chez vous cultiver vos propres terres au lieu d’attendre de la nourriture, qui n’est jamais suffisante."
Peu de personnes dans les camps seraient de son avis.
Caramella Akot, 52 ans, a indiqué qu’elle attend toujours les “kits” ménagers qui comprennent des tôles ondulée pour faire des toits, des binettes, des graines et d’autres ustensiles que le gouvernement avait promis aux résidents des camps il y a deux ans.
"Le gouvernement devrait nous donner du temps pour nous installer ici parce qu’il n’y a pas d’herbe pour faire la chaume pour nos toits,” s’est plainte Akot. “Nous devrions obtenir des feuilles de métal et des tentes si nous devons partir vite, mas nous n’avons pas de matériaux de construction."
Charles Uma, le secrétaire du district de Gulu pour les secours en cas de catastrophe, a indiqué que le gouvernement avait d’abord demandé aux réfugiés de quitter les camps en décembre 2006, mais seulement quelques cinq pour cents d’entre eux sont effectivement partis depuis. 25 autres pour cent se sont réinstallés vers des camps satellitaires plus petits, non loin des camps principaux, et les 70 pour cent restants vivent toujours dans les camps principaux.
"Cela a rendu notre travail très difficile parce qu’au lieu d’amener d’apporter des services directement aux villages, nous aidons toujours les [réfugiés] qui se sont réinstallés dans des camps satellitaires," a indiqué Uma.
Le secrétaire du district de Gulu pour les travaux et les services techniques, Alex Otim, a indiqué que l’espoir était que si les réfugiés retournaient dans leurs villages maintenant, cela aiderait à résoudre le nombre croissant de conflits fonciers.
"Les enfants qui sont nés dans les camps doivent revenir sur les terres de leurs ancêtres pour en connaître les frontières afin d’éviter de futurs querelles foncières," a-t-il dit.
Otim a noté que les programmes de soutien du gouvernement apporteront bientôt leurs services uniquement aux villages.
"Notre principal objectif est le développement des villages … pas des camps,” a-t-il indiqué. “C’est comme cela que nous devrions réussir à expulser les gens qui ne veulent pas retourner chez eux."
Les groupes d’aide qui oeuvrent pour les réfugiés doivent maintenait soutenir uniquement ceux qui sont déjà rentrés chez eux pour de bon, a-t-il ajouté.
Otim a insisté sur le fait qu’il était improbable que Kony et l’ARS reprennent leur guerre dans le nord.
"Je pense que Kony n’a aucun intérêt à venir infliger des souffrances à ses propres gens, parce que … il veut rétablir sa réputation,” a déclaré Otim. “Et étant donné qu’il est éloigné aujourd’hui, il ne peut en aucun cas revenir commettre de graves atrocités comme celles qu’il commettait auparavant."
Walter Ochora, le préfet de Gulu, a indiqué qu’un comité va superviser la démolition des huttes abandonnées dans les camps, qui, selon lui, sont devenues des caches pour les malfrats armés.
"Toute personne qui reste dans le camp doit savoir que les Nations Unies vont continuer à distribuer de l’aide, mais uniquement à ceux qui sont retournés dans les villages,"a déclaré Ochora.
Les réfugiés sont inquiets au sujet de leur sécurité pas seulement par rapport à la résurgence de l’ARS, mais aussi en raison d’une vague croissante de crimes violents.
Moro Kibwota, 40, un responsable du camp de Lacor, a indiqué qu’il devait faire face à un avenir incertain, comme presque toutes ses connaissances.
"Les gens sont harcelés par des brigands armés, et de telles personnes sont prêtes à venir nous importuner quand nous rentrerons chez nous,” a indiqué Kibwota à l’IWPR.
La sécurité, et non pas l’aide humanitaire, est la raison qui nous a poussé à rester dans le camp. "Je… suis dans le camp pour protéger ma vie,” a-t-il expliqué. “Je ne suis pas tellement intéressé par leur aide, si c’est pour cela qu’ils insistent pour que nous quittions les camps."
Ochora, le préfet de Gulu, a indiqué que certains anciens membres de l’ARS qui avaient gardé leurs armes ont pu les louer aux voyous qui terrorisent aujourd’hui les villageois.
Il a également exprimé indiqué qu’il partageait les craintes des réfugiés quant à la résurgence de l’ARS, notant que le gouvernement avait récemment refusé la permission à une délégation de 400 personnes de rencontrer Kony dans son camp du Congo.
Même le gouvernement, a-t-il dit, est incertain au sujet des intentions de Kony.
"Si le gouvernement est confiant au sujet de la sécurité des gens … alors ils iront,” a indiqué Ochora. “Mais pour le moment, le gouvernement n’est pas encore clair.”
Alfred Obote, 43 ans, qui vit dans le camp d’Alokolum, est pessimiste au sujet des chances de succès des pourparlers bloqués de l’ARS et il ne prévoit pas de quitter le camp avant la signature d’un accord.
"Nous sommes tous conscients du fait que Kony n’a pas été clair au sujet des pourparlers,” a indiqué Obote. “Nous n’avons rien entendu de prometteur de sa part. Il n’a même pas accepté nos revendications que les enfants encore en captivité soient libérés.
"De nombreuses vies ont été perdues pendant la guerre. Le gouvernement devrait permettre … aux réfugiés de rester dans les camps. Si les pourparlers aboutissent, allons nous quitterons les camps sans qu’on nous le demande."
Caroline Ayugi est une collaboratrice de l’IWPR en Ouganda du nord.