A Lubumbashi, les enfants reprennent le chemin de la rue
En dépit des intenses efforts mis en œuvre par les autorités locales pour sortir les enfants des rues, nombre d’entre eux ont tendance à y retourner.
A Lubumbashi, les enfants reprennent le chemin de la rue
En dépit des intenses efforts mis en œuvre par les autorités locales pour sortir les enfants des rues, nombre d’entre eux ont tendance à y retourner.
“Nous venons en ville pour chercher de l’argent et nous revenons [ici le] soir pour passer la nuit,” explique un ancien enfant des rues de 19 ans au centre de réinsertion de Lubumbashi.
“Nous aimerions étudier, mais nous ne comprenons pas les leçons parce qu’il est trop tard pour nous d’apprendre à lire et à écrire. Alors ce que nous cherchons c’est un travail.”
Depuis août 2009, les enfants de familles brisées, qui vivaient dans les rues de Lubumbashi, ont été admis au centre, non loin de la prison de la ville, Kasapa.
Bien qu’ils y soient en sécurité, nombre de ces anciens enfants des rues – appelés shégués – expliquent qu’il est difficile pour eux de tourner complètement le dos à leur ancienne vie.
Un autre shégué, tenant une brosse et une boîte de cirage à la main, raconte, “Le gouverneur a donné du travail à d’autres shégués mais nous avons été oubliés. Nous voulons la liberté. Nous ne sommes pas des prisonniers. Nous voulons faire partie de la société et être capables de construire des familles.”
L’année dernière, le gouvernement de la province avait offert 100 emplois aux shégués âgés de plus de 18 ans, mais parmi ceux qui sont toujours au centre, beaucoup sont déçus de ne pas avoir également reçu une offre d’emploi.
Le centre de réinsertion est constitué de dortoirs, de salles de classes et même d’un terrain de football. Bien qu’il n’ait jamais été envisagé comme une prison, ceux qui y vivent ne sont pas autorisés à en sortir. Cependant, beaucoup finissent par trouver un moyen de sortir, souvent en soudoyant les gardes de sécurité.
Dans un documentaire réalisé par Carine Kabongo, une journaliste de Lubumbashi, un shégué, identifié sous le nom de Fiston, témoigne, “Nous arrangeons les choses avec la police qui garde le centre. Il y a déjà un trou par lequel nous pouvons sortir et rentrer. Nous allons en ville pour chercher de l’argent et, quand nous revenons, nous donnons [un peu d’argent] à la police.”
Les gens qui vivent près du centre disent qu’ils sont régulièrement dérangés par des enfants qui s’échappent.
“J’ai été surpris lorsque, retournant chez moi à 17h, plusieurs enfants vivant dans le centre m’ont arraché un sac de pain des mains,” raconte François Kabemba.
Bien que les enfants du centre soient nourris, de nombreux rapports font état de pillages de nourriture, une activité à laquelle ils avaient recours dans le passé.
Un autre résident de Kasapa, Micky Disasi, explique, “Les enfants, dont un grand nombre a plus de 18 ans, sont la source d’une grande insécurité dans la zone. Récemment, ils m’ont volé mon téléphone. Pour le récupérer, j’ai du leur donner de l’argent.”
Conscient du problème des shégués qui retournent à la rue, le gouvernement provincial du Katanga a décidé le 24 mars d’envoyer 215 de ceux âgés de plus de 18 ans suivre une formation professionnelle à Kaniama-Kasese dans le nord du Katanga.
Pierre Mukama, l’administrateur du territoire de Kaniama, a déclaré que l’opération avait bien commencé. Les 215 shégués sont maintenant tous arrivés à Kaniama, mais il a insisté sur le fait que le gouvernement devait continuer à les soutenir.
“On peut rappeler l’opération ratée de Kaniama en 2006 et 2007,” a-t-il dit. “Le gouvernement du Kinshasa avait décidé d’envoyer 265 shégués de Kinshasa à Kaniama, mais les avait ensuite abandonnés.
“Les responsables locaux ont du trouver de l’argent pour nourrir les shégués afin de faire cesser le pillage de magasins et l’incendie de villages. Le projet avait finalement du être abandonné avant la fin officielle de leur formation. Nous espérons que cela ne va pas se reproduire.”
Kalunga Mawazo, le conseiller du ministère de l’intérieur de la province insiste sur le fait que les autorités régionales sont déterminées à voir le projet aboutir.
“Nous voulons que ces enfants soient réintégrés à la société une fois qu’ils auront appris un métier,” a-t-il dit. “Cela coûte environ 200 000 dollars US par mois à la province de subvenir aux besoins de ces enfants, c’est pourquoi nous pensons que ceux qui sont plus âgés devraient apprendre un métier, afin d’être capable d’assumer leur propre vie.”
Tout en soutenant l’éducation d’anciens enfants des rues, le gouvernement veut aussi limiter l’attractivité du retour à la rue.
Le 7 mai dernier, Jean-Marie Dikanga Kaza, le ministre de l’intérieur de la province, a annoncé que les enfants ne seraient plus autorisés à vendre des sachets d’eau à Lubumbashi.
Il justifie cette interdiction en expliquant qu’il s’agit d’un commerce souvent exercé par des enfants de foyers déchirés, qui finissent dans les rues et sont forcés par d’autres adultes à vendre de l’eau.
Kaza a déclaré que la petite quantité d’argent qu’ils peuvent gagner grâce à ce travail suffit souvent à encourager les enfants à essayer de s’échapper du centre.
Héritier Maila est un journaliste formé par l’IWPR.