PAIX FRAGILE AU NORD KIVU
Un accord mettant fin aux combats ne pourra pas tenir tant que les questions de justice, démobilisation et réconciliation ne seront pas abordées correctement.
PAIX FRAGILE AU NORD KIVU
Un accord mettant fin aux combats ne pourra pas tenir tant que les questions de justice, démobilisation et réconciliation ne seront pas abordées correctement.
Les résidents espéraient qu’elle mettrait fin à la terreur qui a tourmenté les provinces nord-est du pays pendant des années.
En l’espace de quelques jours, cependant, il y a eu de nouveaux combats entre des soldats fidèles au général rebelle tutsi congolais, Laurent Nkunda et le groupe de milice rivale Pareco.
Bien que les deux côtés aient insisté sur le fait qu’elles étaient toujours dévoués à la paix, la reprise des hostilités a souligné la nature fragile de l’accord atteint à Goma, la capitale de la province.
Cela a également soulevé la question de savoir si un tel accord peut véritablement mettre fin à la violence et à l’insécurité au Nord Kivu.
La signature de l’accord de paix par 20 membres des groupes armés, le gouvernement et la communauté internationale a été une étape importante et la conférence a eu le mérite d’amener les belligérants à la table des négociations.
Mais il y avait déjà eu plusieurs accords similaires par le passé, comme par exemple ceux d’Arusha et de Nairobi. Il y eut également un dialogue inter-Kivu en 2001 et des négociations en février 2006 entre le gouvernement et Nkunda, ayant conduit à l’intégration de ses troupes du Congrès national pour la défense du peuple, CNDP, dans l’armée nationale, une opération qui avait échoué.
Cet historique d’accords manqués montre que la simple signature d’un accord ne suffit pas. La volonté d’atteindre une paix durable est vitale, comme l’ont montré les affrontements CNDP-Pareco dans le village de Bambo, à près de 180 kilomètres au nord de Goma.
La récente conférence a eu lieu juste après une défaite humiliante de l’armée congolaise face aux forces de Nkunda.
Nkunda, un Tutsi congolais, affirme qu’il protège simplement sa communauté tutsie des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, FDLR, qui comprennent des miliciens hutus ayant fui vers la RDC après le génocide rwandais de 1994.
Historiquement, les Congolais de souche et la minorité rwandaise ont eu des relations tendues dans cette région riche en ressources naturelles. Le génocide rwandais a également profondément perturbé le fragile équilibre de leurs coexistences au Congo.
Selon le dernier accord en date, une commission devait être mise en place pour gérer la mise en oeuvre de l’accord de Goma.
Celle-ci a maintenant effectivement été instituée. Elle est présidée par le gouvernement et comprend des représentants de la communauté internationale et de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo, MONUC.
Une des tâches les plus délicates de la commission, cependant, sera de superviser la démobilisation des soldats rebelles ou leur intégration dans l’armée congolaise.
La création d’une armée unifiée ne sera pas simple. Pour les vieux ennemis se bousculant pour le pouvoir au sein de cette nouvelle force, l’abandon des allégeances militaires signifierait la perte d’influence – politique tout comme économique.
C’est l’échec des tentatives précédentes d’intégrer les troupes de Nkunda qui avait conduit à la reprise des combats au début de l’année 2007, provoquant le déplacement de centaines de milliers de personnes.
Les leçons doivent être tirées de l’échec de ce processus.
Il y a eu un manque de coordination et d’efficacité entre les diverses agences impliquées dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, DDR. Un autre problème était la compétition entre les factions, un phénomène qui perdure aujourd’hui.
Il reste encore beaucoup à faire avant d’avoir une armée digne de ce nom en RDC.
Les nombreux échecs et problèmes techniques du programme DDR devront être abordés par la nouvelle commission pour que l’intégration des ex-rebelles dans l’armée régulière soit couronnée de succès.
Bien que le sort de Nkunda n’ait pas été à l’agenda à Goma, il a fait l’objet de nombreuses spéculations au Congo. L’accord de paix a prévu une amnistie pour les seigneurs de guerre, excepté ceux accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Le président de la RDC, Joseph Kabila insiste sur le fait que l’amnistie n’est pas synonyme d’impunité. De nombreux Congolais rappellent cependant qu’un précédent avait déjà été mis en place afin de fermer les yeux sur les crimes commis dans les provinces de l’est.
Les chefs rebelles de l’Ituri Peter Karim et Cobra Matata sont maintenant membres de l’armée nationale, malgré le fait qu’ils aient été accusés d’y avoir commis des crimes de guerre.
Nkunda n’a pas l’intention de s’exiler et il attend qu’une amnistie lui soit accordée.
Certains s’accordent à dire que son souhait devrait être exaucé au nom de la réconciliation nationale et pour éviter toute guerre supplémentaire dans la province. D’autres insistent sur le fait que Nkunda devrait subir la rigueur de la loi.
Nkunda fait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par le gouvernement congolais pour les crimes prétendument commis par ses troupes à Bukavu, au Sud Kivu en 2004.
S’il obtenait une amnistie, toutes les charges pesant à son encontre au niveau national seraient abandonnées.
Mais cela ne le protège pas des poursuites par la Cour pénale internationale, CPI.
Il n’est pas encore clair si le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, enquête sur des crimes de guerre au Nord-Kivu, bien que la Cour ait dans le passé exprimé des inquiétudes suite à des rapports faisant état de charniers, de viols et de massacres dans les territoires sous le contrôle de Nkunda.
Compte tenu de la relation compliquée entre paix et justice - telle qu’on peut l’observer en Ouganda - le Procureur va-t-il suspendre son enquête pour donner une chance à la paix ou s’en tenir à son propre agenda ?
S’il est une erreur de faire la paix avec des criminels, il en est de même d’oublier les crimes qui ont été commis dans l’est de la RDC.
L’impunité a toujours été une menace à la paix. Cela devrait être la responsabilité du système judiciaire congolais d’enquêter et de poursuivre Nkunda. A défaut, la CPI devrait mener une telle enquête et faire tout son possible pour juger Nkunda.
Maintenant que l’accord de paix est signé, nous devons aussi, au Congo, penser à la réconciliation nationale.
Bien qu’elle ne puisse se substituer à la justice, une commission vérité et réconciliation devrait être mise en place très rapidement pour établir la vérité sur les crimes commis au Congo.
Elle devra bénéficier de moyens suffisants pour effectuer son travail, être dirigée par des personnes d’une grande intégrité morale et agir de manière indépendante.
C’est tout le pays qui a besoin de paix et de réconciliation, pas seulement les provinces de l’est. Le temps est venu de faire de la paix une réalité au Congo en général et au Kivu en particulier.
Eugène Bakama Bope est président du Club des amis du droit du Congo.