RDC : Le maire de Goma critiqué pour la destruction de maisons

Les habitants de la ville soutiennent qu’ils ont été expulsés à tort afin de laisser la place au développement urbain.

RDC : Le maire de Goma critiqué pour la destruction de maisons

Les habitants de la ville soutiennent qu’ils ont été expulsés à tort afin de laisser la place au développement urbain.

Many Goma residents have put up homes wherever they can in this sprawling city. (Photo: UN Photo/Marie Frechon)
Many Goma residents have put up homes wherever they can in this sprawling city. (Photo: UN Photo/Marie Frechon)
Tuesday, 24 August, 2010
Des milliers de maisons sont en train d’être démolies par les autorités à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, poussant leurs occupants à la rue sans dédomagement. Les habitants expliquent que ces expulsions sont illégales, bien que le maire de la ville le conteste. Les maisons situées sur la route du lac Kivu et au centre de la ville sont démolies pour laisser place à des routes plus larges dans le cadre d’un programme de rénovation des autoroutes. Le maire de Goma, Roger Rachidy, a comparé la transformation subie par Goma aux efforts de l’ingénieur français George Haussmann déployés pour redessiner Paris au 19ème siècle. Mais il soutient qu’aucune des maisons vouées à la destruction n’a été construite avec un permis. “Si les gens pensent qu’ils ont ete floués, les tribunaux leur sont ouverts,” a-t-il dit. Le nombre exact de maisons détruites ou vouées à la démolition reste flou. Radio Okapi, une station de radio des Nations Unies qui émet dans le pays, a fait état de plus de 100 000 foyers qui seraient touchés par le projet. Rachidy a expliqué que ce chiffre était exagéré et il pense qu’entre 5 000 et 6 000 maisons vont être démolies. Goma, la capitale du Nord Kivu, est une ville très étendue qui compte près d’un million d’habitants. Le centre avait été détruit par une éruption volcanique en 2002 et reconstruit à la hâte, sans véritable plannification urbaine. Nombre des habitants de la ville vivent dans des bidonvilles, souvent sans aucun papier officiel permettant de prouver leur propriété. Les bâtiments ont étés construits sur des routes, sous des câbles électriques et dans d’autres endroits où l’habitat n’est normalement pas permis. Dans d’autres cas, les gens ont reçu des permis de construire pour des parcelles de terrain mais se sont installés hors des limites établies. Ce phénomène est particulièrement flagrant aux abords du lac Kivu, où la limite pour la construction est fixée à 10 mètres depuis le littoral, mais celle-ci est rarement respectée. “Nous avons eu un système dictatorial pendant 32 ans et les gens pensaient que si un officier militaire mettait sa maison au bord du lac, personne ne pouvait le tenir responsable,” a déclaré Rachidy, indiquant que cet ordre de démolition concernait “les maisons de ces officiers et gouverneurs, tout comme des gens ordinaires”. En vertu du droit congolais, avant qu’une maison d’habitation ne soit détruite, les occupants doivent se voir offrir l’occasion de prouver que le terrain leur appartient. S’ils ne peuvent le faire, un préavis d’un mois doit leur être accordé avant que la maison ne soit détruite. Mais les habitants soutiennent que dans de nombreux cas, les autorités de la ville ont ignoré ces règles, ne faisant aucune distinction entre les constructions légales ou illégales. “Nous avons été surpris de ne pas avoir reçu de documents ou d’avoir été avertis,” a déclaré Pascal Kasérica, dont la maison, située dans le quartier central appelé Les Volcans, a été l’une de celles récemment détruites. Il soutient qu’en raison du fait que les procédures prévues ne sont pas respectées, une confusion administrative a entrainé la destruction de certaines maisons, à tort. “C’est la parcelle en face de la nôtre qui devait être démolie,” a déclaré Kasérica. “Quand ils sont venus démolir l’autre parcelle, il [le responsable officiel en charge de l’opération] nous a mis dans le même groupe. Il a dit qu’il était pressé et qu’il avait autre chose à faire. Nous avons étés stupéfaits car nous pensions que nous allions être épargnés.” Kasérica explique qu’il est désormais forcé, avec sa famille, de dormir dans la rue, et qu’il n’a reçu aucune forme de soutien ni d’assistance. Muzangi Boutondo, membre de l’Assemblée provinciale du Nord Kivu, critique aussi la manière dont le programme de rénovation urbaine est géré. “Si l’Etat cherche à élargir les routes, et qu’il trouve des gens qui vivent sur le chemin et sont en possession de documents [valides], il doit recourir à une procédure d’expropriation [appropriée],” a-t-il dit. “Cela signifie que toute personne affectée doit etre indemnisée.” Il soutient que ce qui se passe à Goma revient à attaquer de manière arbitraire les maisons des habitants. “Il n’y a pas de direction, pas de plan préliminaire. Même les maisons des gens qui détiennent les documents attestant de leurs droits de propriété sont détruites sans indemnisation,” a déclaré Boutondo, promettant de soulever la question lors de la prochaine réunion de l’assemblée provinciale. Les employés du bureau du cadastre de Goma indiquent qu’ils n’ont pas étés consultés par les autorités de la ville au sujet de la campagne de démolition. “En principe, un inventaire devrait être fait pour établir qui a tort,” a expliqué un employé haut placé. “Mais cela n’est pas le cas, parce que la pratique [de la démolition] est répandue et affecte de nombreuses personnes.” D’autres habitants reconnaissent que dans de nombreux cas, les démolitions sont justifiées étant donné que les maisons ont étées construites illégalement et ne respectent pas les normes de sécurité. Mais ils soutiennent que le processus jette de nombreuses personnes à la rue sans moyen de subvenir à leurs besoins. “Notre ville doit être soignée, mais il faut aussi que les gens touchés se voient offrir une indemnisation,” a déclaré Gaston, un habitant de Goma. “[Les autorités] ne font que démolir ; elles ne gèrent pas les conséquences.” Pour Rachidy, les officiels ne sont pas responsables du bien des personnes expulsées de leurs maisons. "La mairie n’a pas à fournir une indemnisation ou une aide aux gens dont les habitations ont étées démolies, étant donné qu’ils ont construit leurs maisons de manière illégale,” a-t-il dit. “De toute façon, la plupart de ces maisons sont des huttes, et les gens pourront aller ailleurs en reconstruire d’autres.” Pour certains, il n’est pas juste de critiquer les gens qui ont construit sur des terres alors qu’ils n’en avaient pas le droit. Nombre d’entre eux ont été déplacés suite à la guerre, ou à cause de l’éruption volcanique de 2002, et ont reçu peu de ressources et aucune indication de la part des autorités. Alors que le programme de reconstruction de la ville pourrait être un signe positif d’un début d’amélioration du quotidien après les effets dévastateurs de la guerre, les ONG locales indiquent que davantage d’attention devrait être portée aux conséquences humanitaires de ce projet. “Nous condamnons cette action,” a déclaré Dufina Tabu, qui travaille pour l’Association des volontaires, ASVOCO, une ONG basée à Goma. “La vie est déjà assez difficile ici. Les gens n’ont pas de travail, ils n’ont rien – et maintenant, cela. C’est terrible.” L’ASVOCO a réussi a stopper la démolition de certaines maisons construites sous un cable électrique dans le quartier de Katindo, laquelle avait débuté le 2 août. Cependant, malgré cette petite victoire, l’ONG n’a pas réussi à enrayer la vague d’expulsions. Tabu précise que, sous la pression, le maire a demandé a l’ASVOCO de mener une campagne de sensibilisation pour encourager les gens à quitter, de leur propre chef, les zones condamnées. “Le maire nous a demandé de dire aux gens de partir – mais pour aller où ?” interroge Tabu. “La mairie devrait leur donner de nouveaux terrains constructibles et leur trouver un abri temporaire, mais ils n’ont rien mis en place. Démolir des maisons... c’est vraiment juste mettre les gens a la rue. Comment ces gens vont-ils vivre?” Mélanie Gouby est reporter aupres de l’IWPR. Nicole Tambite et Passy Mubalama sont des stagiaires de l’IWPR en République démocratique du Congo.
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