Un général rebelle exige un accord d'amnistie

Laurent Nkunda déclare que le gouvernement doit honorer sa promesse d’accorder aux milices du Nord Kivu l’impunité de poursuite pour actes de révolte.

Un général rebelle exige un accord d'amnistie

Laurent Nkunda déclare que le gouvernement doit honorer sa promesse d’accorder aux milices du Nord Kivu l’impunité de poursuite pour actes de révolte.

Le cessez-le-feu visant la province congolaise du Nord-Kivu étant désormais sur des sols mouvants, les chefs rebelles indiquent qu’une promesse d’accord d’amnistie est cruciale pour maintenir la paix.



De nombreuses factions de milices rivales de cette province de l’est de la République démocratique du Congo, RDC, ont signé un accord de paix en janvier, mais les combats entre les divers groupes ont continué, perpétuant une situation permanente de crise pour les populations civiles visées par les attaques, le viol, les pillages et les persécutions générales. (Voir L’accord de paix du Kivu reste lettre morte , AR No. 160, 11-Mar-08.)



Dans le cadre de l’accord signé à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, les autorités de la RDC ont promis d’accorder une amnistie aux membres de près de 20 groupes armés des provinces du Nord et Sud-Kivu, selon lequel ils ne seraient pas soumis à une punition pour les actes de guerre et de révolte commis au cours des combats dans les deux provinces, qui ont provoqué la mort ou le déplacement de centaines de milliers de personnes.



Un des groupes à l’épicentre de la violence récente a indiqué à l’IWPR que c’était cette promesse d’amnistie qui les avait amenés à la table des négociations en premier lieu, et il a suggéré qu’il était maintenant temps pour le gouvernement de tenir ses promesses.



“Nous nous sommes battus les uns contre les autres et nous devons maintenant travailler ensemble … [mais] le seul moyen de nous ramener dans la hutte de nos parents était de nous octroyer l’amnistie,” a indiqué Laurent Nkunda, chef du Congrès national pour la défense du peuple, CNDP, une des principales milices combattantes de la province.



"La hutte des parents" fait référence à la pratique locale qui veut que les enfants expulsés de chez eux par leurs parents pour leur mauvais comportement soient autorisés à revenir après avoir négocié ou demandé pardon.



Le porte-parole du CNDP, Séraphin Mirindi a insisté, ajoutant que, “le succès de [cet accord] dépend du respect de l’amnistie accordée aux mutins.”



Le ministre de l’intérieur congolais, Denis Kalume, a promis de soumettre un projet de loi au parlement, permettant à l’amnistie de prendre effet, mais cela ne s’est pas encore produit.



Certains observateurs en RDC sont d’avis que les accrochages périodiques qui éclatent encore entre les rebelles à l’est sont la cause du retard observé.



“Pour le moment, la loi d’amnistie n’a pas encore été développée,” a indiqué Eugène Bakama Bope, président du Club des amis du droit du Congo.



L’offre de pardon était une question controversée lors de la conférence de paix tenue du 6 au 23 janvier, particulièrement la question de savoir si le général rebelle Nkunda - dont les troupes sont accusées de crimes terribles et qui est considéré comme l’un des instigateurs des troubles dans les Kivus - devrait être inclus dans l’accord.



Le porte-parole de l’Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, a indiqué que toute amnistie devait inclure Nkunda dans l’intérêt de la paix.



“L’amnistie n’est pas sélective ou discriminatoire. Elle concerne chacun,” a indiqué Kamerhe. “Nkunda a les mêmes droits que les autres. Pourquoi devrions-nous demander aux gens de baisser leurs armes sans leur accorder quoi que ce soit?”



L’amnistie avait été acceptée par de nombreux participants à la conférence parce que tout en couvrant les actes de guerre et de révolte, elle exclut spécifiquement les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.



“Si parmi les combattants, il y a une personne qui a incendié des villages, commis des meurtres de masse de civils pour une raison ou une autre, il sera poursuivi pour ces crimes,” a indiqué Kamerhe.



C’est précisément de tels crimes de guerre qui intéressent la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye.



Les procureurs de la CPI ont récemment indiqué qu’ils allaient détourner leur attention de la région nord-est de l’Ituti, dont trois seigneurs de guerre présumés ont maintenant été inculpés, vers d’autres parties de la RDC. Ils ont désigné le Nord Kivu comme un possible endroit pour des enquêtes, et Nkunda comme une cible potentielle.



Si et quand les enquêteurs de la CPI arrivent sur le terrain dans les provinces des Kivu, il pourrait être difficile pour eux de savoir où commencer. La région est embourbée dans les conflits depuis de nombreuses années, viols, meurtres et torture étant commis par toutes les parties.



Les troupes de Nkunda figurent en position proéminente dans un grand nombre des rapports d’abus au sujet desquels la CPI pourrait enquêter, dans la mesure où ils tombent tout à fait dans ses termes de référence - crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à partir de juillet 2002.



Un récent rapport des Nations Unies relate que des soldats de l’ethnie tutsie, fidèles à Nkunda auraient tué 30 civils dans le village de Kalonge, à quelques 100 kilomètres de Goma, au début du mois de janvier. Les civils, qui étaient de l’ethnie hutue, auraient été tués, tailladés à coups de machettes et frappés avec des marteaux.



A l’époque de l’incident, les représentants de Nkunda étaient à Goma pour assister aux pourparlers de paix, et il nie ces accusations.



Des groupes locaux de défense des droits de l’homme prétendent également que des troupes sous le contrôle de Nkunda auraient commis des crimes de guerre lors d’une attaque contre la ville de Bukavu, au Sud Kivu en 2004. Les soldats de Nkunda auraient tué des civils, pillé et commis des actes systématiques de violence sexuelle dans la ville.



“Au cours de nos enquêtes, nous avons parlé à des chefs locaux, à des organisations de défense des droits de l’homme, à des fonctionnaires et à des locaux,” a déclaré Alex Byumanine, président adjoint de l’Observatoire national des droits de l’homme, ONDH. “Nous avons pris note de crimes de guerre et crimes contre l’humanité tel que des meurtres de masses ciblés, des actes de violence sexuelle, [et] la destruction des infrastructures économiques y compris le pillage et l’incendie du marché de Kadutu à Bukavu.”



Selon l’ONDH, les hommes de Nkunda auraient vendu des biens qu’ils avaient pillés du marché de la ville voisine de Cyangugu, juste à la frontière avec le Rwanda.



Nkunda nie vigoureusement les allégations faisant état que des forces agissant sous son commandement auraient commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Bukavu, ou n’importe où ailleurs au Congo.



Répondant aux allégations relatant l’attaque du marché de la ville par ses troupes, il a indiqué “le marché de Kadutu a été pillé par la population elle-même, et je me suis battu contre les pillards. J’ai gardé des photos comme preuves, et je n’ai pas peur d’être un témoin de cela.”



Le général rebelle indique que ses hommes sont allés à Bukavu pour protéger de l’armée régulière la population tutsie locale, connue sur place sous le nom de Banyamulenge.



“J’ai sauvé près de 1 600 Banyamulenge qui étaient encerclés dans leurs maisons par le général Mbuza Mabe et sur le point d’être tués, et certains d’entre eux ont bien sûr été tués. Et pour moi, cela me rend fier de les avoir sauvés,” a-t-il indiqué.



Le général Félix Mbuza Mabe commandait les troupes gouvernementales à Bukavu.



Le gouvernement de la RDC a délivré un mandat d’arrêt pour Nkunda et son compatriote Jules Mutebutsi suite à l’attaque sur Bukavu, mais celui-ci n’a jamais été mis en oeuvre.



Nkunda décrit le mandat d’arrêt comme une “distraction” créée par “des gens qui ne veulent pas la paix”.



“Ils veulent remettre un bâton dans la roue de la paix. Mais la paix arrive au Congo. Laissez les gens faire ce qu’ils veulent, mais nous avançons vers la paix,” a-t-il indiqué.



Le chef rebelle d’Ituri, Mathieu Ngudjolo Chui est la troisième personne originaire de RDC à être inculpée par la CPI, rejoignant Thomas Lubanga Dyilo et Germain Katanga en détention à La Haye. Les trois hommes commandaient des groupes de milices différents en Ituri.



Le cas de Ngudjolo montre que le fait de bénéficier d’une amnistie ne protège pas nécessairement les personnes d’être poursuivies par la CPI. Il a accepté de mettre fin à ses activités paramilitaires et a même pris un poste de colonel dans l’armée régulière de la RDC, antérieurement à sa soudaine arrestation et à son transfert vers les Pays-Bas en février.



Le général Nkunda affirme qu’il ne craint pas de subir le même destin s’il accepte une amnistie. “Je suis prêt à affronter la justice. Je suis disponible pour expliquer ce qui s’est passé,” a-t-il indiqué.



Jack Kahorha et Taylor Toeka Kakala sont des collaborateurs de l’IWPR à Goma. Lisa Clifford est reporter de justice internationale auprès de l’IWPR à La Haye.
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