L'ONU minimise les allégations de réimplantation au Darfour
Elle affirme que les Arabes du Tchad qui affluent dans la région fuient la violence - et ne font pas partie d’une prétendue tentative de Khartoum d’arabiser la région.
L'ONU minimise les allégations de réimplantation au Darfour
Elle affirme que les Arabes du Tchad qui affluent dans la région fuient la violence - et ne font pas partie d’une prétendue tentative de Khartoum d’arabiser la région.
L’UNHCR pense que les dizaines de milliers d’Arabes du Tchad qui se sont installés dans les anciens villages non-arabes des tribus Fur, Masalit et Zaghawa ont cherché refuge de la violence qui sévit dans leur propre pays, plutôt que participé à un plan du gouvernement soudanais visant à transformer le Darfour de l’ouest en une région ethniquement purement arabe, comme le prétendent les Darfouris dans les camps de déplacés.
Entre 2002 et le début de l’année 2005, 80 à 90 pour cent des villages africains ou non-arabes ont été détruits par le gouvernement et les milices Janjawid alliées - une politique de la terre brûlée au cours de laquelle des hommes ont été tués, des femmes violées, des réserves de nourriture détruites et du bétail pillé.
Selon les chiffres des Nations Unies d’août 2007, 2,4 millions de personnes ont été déplacées dans des camps au sein du Darfour ou au-delà de la frontière comme réfugiés au Tchad, depuis le début de la crise en 2003.
Un rapport de juillet de l’UNHCR et de la Commission soudanaise des réfugiés, COR, fait état du déplacement d’un grand nombre de Tchad nomades - estimés à 45 000 - vers les régions du Darfour de l’ouest, dans le couloir de Habila - Foro Baranga, Beida et Um Dukhun.
« Actuellement, il semble que les arrivants qui s’installent le long de la rivière Wadi Azoum le fassent de manière permanente. La plupart des personnes interrogées ont clairement déclaré qu’elles n’avaient en tous les cas aucune intention de retourner au Tchad », selon le rapport.
C’est un « développement menaçant la possibilité d’une paix dans la région », selon ce même rapport, car si ces zones sont occupées, les habitants originels, actuellement réfugiés dans des camps de PDPP (personnes déplacées dans leur propre pays) au Darfour et dans les camps de réfugiés au Tchad, pourraient rencontrer de ‘sérieuses difficultés’ à retourner chez eux.
Le mouvement des pastoralistes le long de la frontière entre le Tchad et le Darfour est centenaire, les tribus nomades y cherchant de l‘eau et y faisant paître leur bétail, et ce de manière encore plus intense depuis les années 80 en raison d’une période de famine et de soif.
Mais les PDPP du Darfour sont convaincus que le nouvel afflux d’Arabes du Tchad depuis le début de l’année, fait partie d’une campagne du gouvernement visant à expulser les non-Arabes du Darfour.
Adam Yahia, président du camp de réfugiés d’Al-Salam à El-Fasher, au nord du Darfour, a indiqué que, « les milices Janjawid veulent exterminer les tribus africaines par le génocide …en expulsant la race noire pour la remplacer par des tribus arabes ».
Yahia a déclaré que le GdS amène les tribus arabes du Niger, de la République centrafricaine et du Tchad pour les faire vivre dans des villages auparavant occupés par des non-Arabes.
Adam Ismail, porte-parole des PDPP à Zalingi, Darfour de l’ouest, a indiqué, « Il y a de nombreux Arabes qui ont pris notre village et qui y vivent désormais. Nombre d’entre eux viennent du Tchad et du Niger. C’est un fait que nous sommes visés parce que nous ne sommes pas arabes ».
Il prétend que les Arabes des pays voisins ont combattu au côté des milices Janjawid. « Nous pouvons, de part la langue qu’ils parlent, savoir qu’ils n’utilsent pas un dialecte du Darfour, et qu’ils ne sont pas des Arabes du Darfour », a déclaré Ismail au sujet de certains de ceux qui ont attaqué des villages locaux.
Le rapport de l’UNHCR affirme que ses équipes sur le terrain ont confirmé que les Tchadiens occupent la terre fertile le long des zones de Wadi Azoum et de Wadi Saleh qui étaient auparavant des villages Masalit avant le début du conflit au Darfour en 2003.
Il affirme qu’il y a des preuves que l’occupation de la terre a lieu avec l’aide de Soudanais qui donnent des instructions précises aux nouveaux arrivants sur l’endroit exact où ils doivent s’installer.
« Dans un certain nombre de cas, les personnes interrogées ont déclaré qu’elles avaient été abordés à la frontière par des chefs de communauté soudanais et transportées sur les lieux de réimplantation par camion », comme le précise le rapport.
Mais il montre aussi qu’il n’y a pas assez de preuves pour conclure qu’ils ont quitté leurs maisons sur une invitation du Soudan ou suite à des offres de terre dans l’ouest du Darfour.
L’accord de paix sur le Darfour de 2006 prévoit que les PDPP et les réfugiés ont droit à leur propriété à leur retour, et, pour l’UNHCR, le GdS devrait garantir que les propriétaires légitimes puissent rentrer dans leurs villages.
Mais Hafiz Mohammed du groupe de campagne Justice Africa déclare que le parti national du Congrès veut changer le plan politique du Darfour pour influencer les élections nationales en 2009. Il pense que le gouvernement promet aux Arabes des pays voisins des terres en échange de votes.
Le gouvernement veut « compter ces Arabes comme des Soudanais parce que s’ils ne le font pas, tout le plan [pour les élections] va échouer », affirme Mohammed.
Khalil Tukras, un ancien travailleur d’ONG d’El-Fasher, est aussi d’avis que l’afflux massif des Arabes au Darfour est du au recensement qui aura lieu en février prochain, et qui déterminera qui peut voter aux élections de 2009.
Layla (nom changé pour des raisons de sécurité) travaille au camp d’El-Fasher. Elle a récemment voyagé vers la ville de Tulus dans le sud du Darfour, et a vu des fermiers arabes tchadiens travailler sur les terres Masalit. Elle a indiqué qu’ils lui avaient dit que ces terres leur avaient été données par des Arabes tchadiens.
Layla a par la suite parlé à des Masalit déplacés, qui vivent désormais dans des villes de la région, et elle leur a demandé pourquoi ils ne cultivaient pas leurs propres terres.
« [Ils m’ont dit] ‘nous ne pouvons pas rentrer cultiver nos terres. Nous ne pouvons pas vivre dans nos maisons sinon nous serons tués. Les Arabes ont volé nos terres et si nous y retournons ils nous arrêteront et nous tueront », a-t-elle déclaré.
Annette Rehrl, une porte-parole du UNHCR, souhaite vraiment insister sur le fait qu’un grand nombre des Arabes du Tchad arrivant au Darfour sont des réfugiés qui fuient la violence dans leur propre pays, et ne font pas partie d’un plan de réimplantation systématique de Khartoum.
Les Arabes tchadiens qui vivent au Darfour, interrogés par l’UNHCR et le COR, ont indiqué qu’ils avaient fui leurs maisons en raison de la violence entre tribus, et des combats entre le gouvernement tchadien et les rebelles locaux. Certains ont déclaré que des soldats en uniformes et des groupes de milices avaient fait irruption dans leurs maisons, cherchant des armes et les accusant de soutenir les rebelles.
« Les recherches se sont souvent soldées par de la violence, accompagnée de pillages, de passages à tabac, d’arrestations, de meurtres et de viols commis par ces groupes …de nombreuses personnes ont parlé de l’insécurité générale causée par les combats en cours entre le gouvernement et les rebelles », comme l’indique le rapport de l’UNHCR.
Cependant, le rapport expose aussi qu’un certain nombre de réfugiés avaient été informés par des chefs de communauté qu’ils allaient « recevoir la nationalité soudanaise d’une manière accélérée » et que « certains avaient l’impression qu’ils étaient dans le processus d’obtention de la nationalité soudanaise et qu’ils resteraient au Soudan de manière permanente », brouillant la question de savoir si les Arabes du Tchad fuyaient la violence ou entraient au Darfour en raison d’une promesse de terre.
Rehrl pense que toute réimplantation organisée est basée sur des affiliations tribales plus que sur un quelconque grand plan des autorités soudanaises. Elle insiste sur le fait qu’un certain nombre des 30 000 nomades tchadiens qui sont arrivés en février ont été guidés vers des villages dépeuplés du Darfour et invités par les cheikhs locaux à y vivre - parce qu’ils appartiennent à la même tribu.
Cela pourrait être du au fait que les chefs de cette communauté ne veulent pas récupérer les Darfouris africains, mais l’UNHCR n’a pas de preuve concrète que c’est le cas.
Rehrl a déclaré qu’il n’y a pas de preuve d’une campagne globale du GdS de changer la démographie de la région, et que, pour autant que l’UNHCR le sache, personne n’a offert aux Tchadiens la nationalité soudanaise.
Adrienne Fricke, une consultante indépendante sur les droits de l’Homme, qui, en août 2004 a travaillé pour l’équipe de documentation des atrocités, une mission d’enquête américaine qui a interviewé des réfugiés Darfouris au Tchad, a indiqué à l’IWPR que le Soudan n’offrirait pas ouvertement la citoyenneté aux réfugiés.
« Ce qui semble se passer est que les documents sont offert à ces personnes pour qu’elles puissent faire une demande de terre, afin que la terre n’appartienne plus aux gens qui ont été déplacés », a-t-elle dit.
Fricke a relevé des témoignages oraux de victimes qui lui ont dit que leurs assaillants avaient déclaré que « cette terre n’appartient pas aux noirs », et que, alors que les femmes étaient violées, leurs violeurs leur avaient dit « Je vais te donner un bébé arabe qui prendra ta terre ».
Si, comme le soutiennent les Darfouris déplacés, Khartoum cherche à arabiser la région, cela aura un impact sur l’affaire de la CPI contre les responsables soudanais suspectés de crimes de guerre.
La situation du Darfour a été renvoyée à la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU en 2005 et, jusqu’à aujourd’hui, les procureurs ont accusé le ministre du gouvernement Ahmed Harun et le chef Janjawid Ali Kushayb de 51 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Les charges incluent la persécution, le meurtre, le viol et le transfert forcé de civils Fur, Zaghawa et Masalit dans l’ouest du Darfour.
Les mandats d’arrêt spécifient que 20 000 Fur ont été déplacés de Kodoom et 34 000 de Bindisi en août 2003, et 7 000 d’Arawala en décembre 2003.
Les procureurs de la CPI disent qu’ils ont connaissance d’allégations entourant la réimplantation sur les terres dont les PDPP ont été expulsés par la force, et affirment qu’ils vont s’attaquer à cette question dans un rapport qui sera présenté au Conseil de sécurité le 5 décembre.
« Nous aborderons les informations sur un certain nombre d’autres formes d’attaques envers la population civile, particulièrement les personnes déplacés, dans le contexte de l’analyse des crimes en cours », ont indiqué les procureurs.
Des analystes disent que les preuves d’une enchère systématique de Khartoum pour réinstaller les arabes des pays voisins sur des terres ont lesquelles les non-Arabes ont été expulsés, aiderait à soutenir les allégations qu’il existait une intention claire de retirer ces derniers de manière permanente, ce qui aiderait à prouver que le génocide a eu lieu.
Mais Leslie Lefkow de Human Rights Watch affirme que des preuves concrètes d’un plan de réimplantation systématique des autorités doivent encore être trouvées. Certaines actions du gouvernement favorisent clairement les Arabes mais « c’est le travail de la CPI de mettre ces preuves en commun pour prouver l’intention ».
Selon Fricke, « Ce qu’il faudrait démontrer est que le GdS savait ou était impliqué dans l’extension des instruments qui ont permis aux gens d’être réinstallés. Il faudrait prouver que certains membres du gouvernement …fournissaient, avec la connaissance du gouvernement, des documents permettant aux Non-soudanais de s’enraciner au Darfour ».
Katy Glassborow est un reporter de justice internationale de l’IWPR à La Haye.