Commentaire: Bemba est le plus gros poisson de la CPI

Certains Congolais pensent que l’ancien président de la République centrafricaine aurait du être inculpé en même temps.

Commentaire: Bemba est le plus gros poisson de la CPI

Certains Congolais pensent que l’ancien président de la République centrafricaine aurait du être inculpé en même temps.

Avec l’arrestation de Jean-Pierre Bemba survenue le 24 mai 2008, la Cour pénale internationale, CPI, a finalement mis la main sur un suspect de poids.



Bemba – l’ancien chef militaire et dirigeant du Mouvement pour la libération du Congo, MLC, qui occupa pendant quelque temps le poste de vice-président de la République démocratique du Congo, RDC – est sans aucun doute le plus gros poisson de la CPI jusqu’à maintenant.



Les Procureurs accusent Bemba de quatre chefs de crimes de guerre et de deux chefs de crimes contre l’humanité commis entre octobre 2002 et mars 2003, lorsque les troupes du MLC étaient actives en République centrafricaine, RCA, soutenant le président d’alors, Ange Félix Patassé contre les forces rebelles.



L’arrestation de Bemba a été largement saluée par les communautés de victimes, les praticiens du droit et les ONG, étant donné que les troupes du MLC que Bemba commandaient sont accusées de crimes brutaux comprenant le viol, la torture, le meurtre et le pillage systématique commis lors de leur séjour en RCA.



Les ONG ont cependant exprimé une certaine déception, que l’acte d’accusation de la CPI n’ait pas pris en compte les crimes commis en RDC, notamment à Mambasa dans la province orientale de l’Ituri. Les troupes du MLC ont été accusées de cannibalisme, d’avoir forcé d’autres personnes à se livrer au cannibalisme, et d’avoir commis des crimes comprenant le viol et la torture en 2002.



Le MLC de Bemba a été naturellement mécontent de l’arrestation et s’est exprimé en soutien de son chef. Certains au sein du parti ont suggéré qu’il pourrait ne pas être tenu responsable pour les actes de ses troupes, expliquant que tant qu’elles étaient en RCA, elles étaient soumises aux ordres de Patassé et de ses généraux.



Un représentant du MLC a indiqué à la télévision belge que bien que Bemba puisse porter la responsabilité morale, il n’était pas coupable, et il a suggéré que la Cour se penche plutôt sur le cas de Patassé, qui est actuellement en exil au Togo. Il a reconnu que certaines troupes du MLC avaient commis des crimes en RCA mais a déclaré qu’elles avaient été punies par le parti à l’époque.



Les avocats de Bemba ont également vivement critiqué la détention de leur client. Ils ont déclaré qu’il s’était vu refuser l’accès à une assistance juridique lors de son interrogatoire en Belgique.



Ils soutiennent également qu’il n’y avait aucune raison de le garder en détention étant donné qu’il n’avait aucune intention d’échapper à la justice.



Émis le 16 mai, le mandat d’arrêt contre Bemba a été tenu secret au cas où il se serait enfui vers la RDC. Cela aurait compliqué son arrestation et son transfert à la Cour, et il y existait un risque qu’il essaie de s’enfuir vers les forêts étendues du pays.



Bemba a été arrêté par les autorités belges le 24 mai, à son domicile de la banlieue de Bruxelles.



Bien qu’elle ait provoqué une onde de choc au Congo, cette arrestation inattendue aurait eu une résonance encore plus grande si la CPI l’avait effectuée alors qu’il était encore vice-président du pays; un poste qu’il a occupé de 2003 à 2006. Aujourd’hui, il est l’ombre de lui-même sur le plan politique.



Cependant, l’arrestation a eu l’effet d’un séisme au sein de la classe politique congolaise, entraînant des conséquences pour la RDC comme pour la RCA.



Il est difficile d’ignorer le fait que Bemba était le principal opposant au Président Joseph Kabila lors de l’élection de 2006. Avec son arrestation, il est exclu de la scène politique et nous sommes maintenant dans une situation où l’opposition à Kabila est affaiblie.



A Kinshasa, l’action de la CPI sera vue comme un cadeau fait à Kabila qui renforce encore plus la base de son pouvoir.



Il existe également des craintes que son arrestation puisse entraver le processus de paix dans l’est en écartant les gens tels que Laurent Nkunda, un commandant de milice dissident en Ituri, de la table des négociations, qui pourraient avoir peur d’être poursuivis après avoir accepté de désarmer.



Ce n’est pas le cas. Les seigneurs de guerre seront jugés un jour – que ce soit sur le plan national ou international. Comme qui dirait “nos actes nous suivent toujours.” L’arrestation de Bemba prouve que cela est vrai.



Partout, les Congolais parlent de cette affaire, de sa politisation, et de ce que certains considèrent comme une trahison de la Belgique. Certains pensent que les Belges ont sacrifié Bemba à la CPI pour améliorer leurs relations diplomatiques – tendues ces derniers temps – avec Kinshasa.



En réalité, la CPI a agit en toute indépendance, libre de toute influence externe.



Bien que la justice internationale puisse sembler discriminatoire, et parfois injuste, cette critique s’applique aussi à la justice nationale congolaise qui est également discriminatoire par rapport au choix des personnes à poursuivre.



Tous les regards se tournent désormais vers Lomé, où Patassé est basé, et Tripoli, où se trouve son allié, Abdoulaye Miskine.



On peut comprendre la position des Congolais qui pensent que la Cour aurait du émettre un mandat d’arrêt contre Patassé et que cela ne sert à rien de poursuivre l’un sans l’autre. C’est lui qui avait introduit les combattant du MLC, et cela pourrait le rendre complice des crimes dont Bemba est accusé.



Patassé pourrait bien finir à La Haye. Le Procureur a déjà indiqué que ce mandat d’arrêt était le premier en RCA, mais qu’il n’allait pas être le dernier. Il est très probable que sa détention ouvre la voie à d’autres.



Nous avons maintenant vu qu’avec la coopération des États qui ont signé le Statut de Rome, la Cour peut frapper plus haut et plus fort. Malgré la lenteur d’action de la CPI à ce jour et d’autres difficultés, son combat contre l’impunité doit être salué.



Le principal défi pour la CPI est de continuer à poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, même lorsqu’ils sont encore au pouvoir.



Eugène Bakama Bope est le Président du Club des amis du droit du Congo.

Frontline Updates
Support local journalists