La dépendance à la drogue gêne la réintégration des enfants soldats

Déchirée par la guerre, la société peine à s’occuper du problème de la drogue chez les jeunes démobilisés.

La dépendance à la drogue gêne la réintégration des enfants soldats

Déchirée par la guerre, la société peine à s’occuper du problème de la drogue chez les jeunes démobilisés.

Tuesday, 26 January, 2010

Les efforts visant à reconstruire la société dans la région ravagée par la guerre de l’est de la République démocratique du Congo, RDC, sont entravés par le problème de l‘usage de drogues chez les anciens enfants soldats, nombre d’entre eux ayant de grandes difficultés à se réadapter à la vie civile, selon des experts qui travaillent dans la région.



“De nombreux jeunes sont affectés [par la dépendance à la drogue], particulièrement les enfants soldats et les enfants des rues,” a déclaré Richard Amani, qui travaille pour une ONG locale, le Programme de lutte contre l’extrême pauvreté et la misère, mieux connu sous son acronyme, PAMI. “Les enfants soldats sont drogués par des chefs de milice. Ils deviennent violents et dépendants, et leur réintégration à la société n’est est que plus difficile.”



Un coordinateur de programme auprès d’une ONG internationale travaillant dans la région – qui a refusé que son nom soit cité – a déclaré que 95 pour cent des enfants utilisés dans les conflits armés étaient mis en contact avec des drogues, le plus souvent la marijuana, bien que le khat, un stimulant, soit aussi utilisé.



La question de l’usage de drogues chez les enfants soldats a été abordée au procès de Thomas Lubanga devant la Cour pénale internationale, CPI. L’ancien président de l’Union des patriotes congolais est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats qu’il aurait fait participer au conflit dans l’est du pays de 2002 à 2003.



Le 17 janvier, un ancien enfant soldat, témoignant de manière anonyme, avait déclaré qu’il avait été “saoul et [avait] fumé du cannabis” pendant une bataille à laquelle il avait pris part à Bogoro.



Erick Kenzo, un autre ancien enfant soldat a déclaré que l’utilisation de drogue au sein des groupes armés, particulièrement chez les jeunes recrues, était un problème qui devait être traité.



“Nous avons utilisé des drogues, et souvent la dépendance continue après que nous ayons été démobilisés,” a-t-il dit. “Certains continuent à prendre des drogues en raison de la négligence. Ils ne sont pas aidés à s’intégrer à la société, ou à comprendre ce qui leur est arrivé.”



Kenzo avait été kidnappé en 1996 par des hommes armés, alors qu’il avait tout juste 15 ans. Il a expliqué que les enfants utilisaient souvent des drogues pour oublier la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient, et chasser toute pensée de leur maison ou de leurs anciennes vies.



Des milliers d’enfants soldats ont été recrutés lors des divers conflits qui ont frappé l’est de la RDC, par des groupes de milices locales ainsi que par l’armée nationale.



En 2008, la Coalition pour mettre fin à l’utilisation des enfants soldats avait relaté que près de 30 000 d’entre eux avaient été réintégrés à la société. Mais des milliers d’autres pourraient avoir été recrutés depuis la guerre de 2007-2009 entre le Congrès national pour la défense du peuple, CNDP, un ancien groupe rebelle, et l’armée.



Le coordinateur de programme de l’ONG a déclaré que les chefs de milice encourageaient souvent les enfants soldats à prendre des drogues afin d’améliorer la cohésion entre eux et de les désensibiliser par rapport aux actes qu’ils reçoivent l’ordre d’exécuter.



Elle a expliqué que la dépendance à la drogue pouvait être un grave problème lors de tentatives de réintégration d’enfants soldats à la société, étant donné que cela pouvait accroître leur sentiment d’isolation par rapport au reste de la communauté.



“Lorsque l’enfant sort de l’armée, il doit affronter la réalité, se rendre compte qu’il a agi contre sa propre communauté – tuant, violant et pillant,” a-t-elle dit. “Il se retrouve isolé et cherche souvent d’anciens collègues ont sein de l’armée ou des milices. Ils utilisent la marijuana pour continuer à rester ensemble – isolés mais ensemble.”



Il s’agit là d’une préoccupation importante dans la mesure où un grand nombre d’enfants soldats, qui ont souvent l’impression de ne pas être en sécurité et d’être rejetés par la société, finissent par retourner à leurs anciennes vies de combattants ou se tournent vers le crime, rejoignant les trafiquants de drogue locaux.



Les agents du maintien de l’ordre de la région reconnaissent que le problème de la drogue a mis la société à l’épreuve et doit être traité d’urgence.



"Le crime est de plus en plus lié aux drogues,” a déclaré un capitaine de l’unité d’enquête criminelle de la police de Goma, qui n’a pas souhaité que son nom soit communiqué. “Nous pouvons montrer que le nombre des crimes est élevé dans les districts où il y a du trafic de drogue.”



Pour Amani, travailleur au sein d’une ONG, résoudre le problème de la drogue est un élément indispensable de la reconstruction d’une société brisée par des années de combats acharnés.



“Nous devons sensibiliser les gens aux effets négatifs des drogues, et à l’existence de nos centres d’encadrement, qui peuvent aider les gens à surmonter leur dépendance à ces substances,” a déclaré Amani.



Lucie Bindu est une journaliste formée par l’IWPR à Goma.



Cet article fait partie d’une série de reportages produits par des journalistes ayant récemment suivi un cours de journalisme international d’IWPR Netherlands à Goma.

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