LES MILICES DU CONGO ATTEIGNENT UN ACCORD DE PAIX ”HISTORIQUE”
Les milices vont être soit dissoutes soit incorporées dans l’armée nationale.
LES MILICES DU CONGO ATTEIGNENT UN ACCORD DE PAIX ”HISTORIQUE”
Les milices vont être soit dissoutes soit incorporées dans l’armée nationale.
Plus de 1 000 délégués des groupes rebelles, du gouvernement, de la société civile et de la communauté internationale se sont rencontrés plus tôt ce mois-ci à Goma, capitale de la province du Nord- Kivu, pour parvenir à cet accord.
Des arrangements de dernière minute en ont retardé la signature de près de 24 heures mais toutes les parties ont finalement accepté l’accord le 23 janvier et, lors d’une cérémonie à laquelle a assisté le Président Joseph Kabila, elles ont accepté de déposer les armes. Elles ont également promis de se dissoudre ou d’être incorporées dans l’armée nationale de la République démocratique du Congo.
Un précédent processus d’intégration similaire avait échoué et conduit à un conflit sanglant entre le général rebelle Laurent Nkunda, un Tutsi entraîné au Rwanda, qui s’était battu avec succès contre l’armée congolaise et les autres milices.
Selon cet accord de paix, Nkunda et ses troupes bénéficieront d’une amnistie pour les actes de guerre et les troubles, similaire à une loi congolaise en vigueur concernant les crimes commis lors de la guerre civile de 1998-2003. Mais les soldats n’obtiendront pas d’amnistie pour les crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.
L’une des raisons ayant entraîné des retards était une demande des représentants de Nkunda, visant à ce que les crimes de guerre soient inclus dans l’amnistie. Mais Vital Kamerhe, le Président de l’Assemblée nationale du Congo, a refusé, affirmant que procéder ainsi encouragerait l’impunité.
Les crimes de guerre relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale, CPI, basée à La Haye, qui a déjà deux chefs de milice congolais en détention. La Cour conduit actuellement une troisième enquête au Congo, mais n‘en a pas spécifié l’endroit exact.
L’accord de paix pourrait apporter un répit très utile à la région ravagée par une violence sans fin ces dernières années. Depuis août dernier, plus de 230 000 personnes ont fui leurs maisons, portant le nombre estimé de déplacés internes à près de 800 000. Certains suggèrent que les chiffres pourraient être encore plus élevés.
Cette population est considérée comme la plus grande population déplacée interne depuis la fin de la guerre civile de cinq ans dans l’est du Congo en 2003.
Les pourparlers de paix de Goma avaient débuté après une série de cuisantes défaites des forces gouvernementales face aux combattants de Nkunda. L’accord de paix fut négocié par les États-Unis, les Nations Unies et l’Union Européenne.
Kamerhe a indiqué, “Un accord a été atteint et il ne fait aucun doute que la paix va revenir bientôt.”
Les avocats des droits de l’homme se sont fait l’écho de l’optimisme de Kamerhe et ont salué l’accord.
Anneke Van Woudenberg de Human Rights Watch a assisté aux pourparlers de Goma et décrit l’accord comme une étape importante. “Il expose les principes du cessez-le-feu, la nécessité du retour des personnes déplacées internes et des réfugiés, et la question de l’amnistie,” a-t-elle indiqué.
Bien que des accords passés au préalable aient été de courte durée, Van Woudenberg a indiqué que celui-ci pourrait durer parce qu’il était soutenu par la communauté internationale qui va également aider à sa mise en oeuvre.
Une force des Nations Unies servira de tampon entre les parties au combat et une commission du gouvernement sera nommée pour superviser le cessez-le-feu et la démobilisation ou l’intégration des groupes armés.
“Cet accord m’inspire davantage confiance que les autres, mais cela va dépendre totalement des signataires qu’ils respectent ce qu’ils ont signé,” a-t-elle dit.
Nkunda n’a pas assisté aux pourparlers de paix et il y a eu de nombreuses spéculations sur son avenir, certains affirmant que son exil était envisageable. Malgré tout, les représentants du Conseil National pour la Défense du Peuple, CNDP, de Nkunda ont exprimé leur satisfaction par rapport à l’accord.
“Nous sommes très heureux de voir qu’un grand nombre de choses que nous réclamions depuis longtemps sont maintenant prises [au sérieux] et ont été acceptées par nos partenaires à la conférence de paix,” a indiqué le porte-parole du CNDP, Réné Abandi.
“Nous avons demandé une réforme de l’armée... le retour des réfugiés congolais, la fin de l’impunité et la réforme du système [judiciaire],” a indiqué Abandi. “Ces questions ont été abordées et acceptées par différentes commissions de la conférence. Nous sommes donc prêts à amener nos troupes vers des centres [d’intégration].”
Le chef d’un groupe de milice local, connu sous le nom de Mai Mai au Congo, a également déclaré que “le temps est venu de construire la paix ” et a exprimé son soutien pour le plan intégrant les rebelles dans l’armée nationale. “Nous sommes prêts à remettre nos hommes, ceux qui souhaitent continuer avec les activités militaires,” a déclaré Félicien Miganda, qui est à la tête d’un groupe de Hutus congolais connus sous le nom de Mongol.
Le chef d’un autre groupe Mai Mai a également salué l’accord de paix, tout en exprimant une note de prudence. “Nous comprenons que les autres groupes armés soient prêts à cesser les hostilités et à rejoindre l’armée et nous allons faire de même,” a-t-il indiqué. “Mais au cas où les hommes de Nkunda violeraient la décision, nous n’hésiterons pas à nous retirer dans la brousse et à reprendre le combat.”
L’humeur était généralement décontractée tout au long de la conférence de deux semaines qui avait débuté le 6 janvier, bien que les organisateurs aient souligné qu’il s’agissait de la dernière chance de mettre fin à des années de combats chaotiques dans l’est du Congo.
Alan Doss, le représentant spécial nouvellement nommé du Secrétaire général, a décrit la réunion comme la plus grande chance jamais vue d’apporter la paix aux Kivus et au Congo.
Des membres des factions en conflit ont été exhortés à parler des raisons qui se cachent derrière le conflit. “Nous les avons invités à dire à tout le monde pourquoi ils se battent,” a indiqué le ministre de l’intérieur du Congo, Denis Kalume Numbi.
Certains affirment qu’ils voulaient protéger leurs familles alors que d’autres déclarent qu’ils espéraient apporter un changement politique au Congo.
Le chef de la délégation du CNDP de Nkunda a indiqué que le faible leadership politique avait créé une atmosphère de “haine et d’exclusion” pour les Tutsis congolais. “Nous avons décidé de nous prendre en main et de protéger la population dans nos zones,” a indiqué le Colonel Kasereka Vemba lors de la conférence.
Nkunda prétend depuis longtemps qu’il protège la communauté vulnérable des Tutsi de la région des extrémistes hutus qui ont fui le Rwanda suite au génocide de 1994.
Nombre des Hutus sont restés au Congo et certains ont rejoint les Forces de libération du Rwanda, FDLR, dont les soldats se sont battus contre les soldats de Nkunda et l’armée congolaise. Certains de ces combattants hutus étaient membres de la milice Interahamwe qui fut responsable du génocide tutsi.
Un représentant du groupe Mai Mai ‘Patriotes Résistants Congolais’, PARECO, a accusé le CNDP et Nkunda d’avoir mené une guerre par procuration pour le Rwanda et a appelé à l’arrestation de Nkunda.
“Nos frères tutsis sont des traîtres,” a déclaré le Colonel Lafontaine Sirikwayo. “Nous nous demandons s’il sont des Congolais comme nous ou s’ils sont étrangers. Nous ne nous battons pas contre nos propres frères mais contre les instruments du Rwanda, les forces rwandaises. Ils pillent, violent nos sœurs, épouses et mères. Certains d’entre eux doivent être arrêtés, en particulier Laurent Nkunda. Nous demandons à la communauté internationale... de juger toute personne impliquée dans des meurtres et crimes de masse.”
Le chef d’une coalition de groupes Mai Mai a également cité la souveraineté congolaise lorsqu’il a expliqué pourquoi il avait pris les armes. “Nous nous battons contre le CNDP et le FDLR, parce que ces deux groupes envahissent nos provinces,” a indiqué le Colonel Didier Vita Mufwatana. “Les troupes des FDLR doivent rentrer chez elles au Rwanda.”
Charles Ntiryica est reporter de l’IWPR à Goma. Lisa Clifford est reporter de justice internationale à La Haye.